Le 1er Groupe du RACM au combat
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Île d'ELBE
Campagne de FRANCE
Campagne d'ALLEMAGNE
SOMMAIRE :
I Ile d'ELBE-TOULON par le Capitaine GOUBÉ.
II Campagnes de FRANCE par le Capitaine PERETIE. et d'ALLEMAGNE et le Capitaine ALLIOU.
III Les Officiers et Sous-officiers du GROUPE.
IV Les MORTS du GROUPE.
V Cartes annexes : Itinéraires et positions du GROUPE.
I
Opérations de l'Ile d'Elbe
Àprès un long entraînement en Afrique du Nord, le Ier Groupe du REGIMENT d'ARTILLERIE COLONIALE du MAROC complètement familiarisé avec son nouveau matériel, entièrement américain, débarque en CORSE à AJACCIO, le 3 Mai 1944. Quel magnifique enthousiasme ! Quelle joie chez tous ! Nous foulons un territoire Français, le premier libéré de l'ennemi; nous savons que nous allons bientôt intervenir. A INKERMANN, Le Général de LATTRE de TASSIGNY nous a promis que nous nous battrions en France. Cette intervention, tous la souhaitent proche, la désirent ardemment. Sur la terre de Corse, l'entraînement se poursuit : cours sur les mines; manœuvres d'embarquement et de débarquement sur L. C. T. (Plage d'AJACCIO) Ecoles à feu (Région de SETTE NAVE). Cependant, depuis quelque temps, certains bruits circulent avec insistance « Nous irions, avant le grand débarquement en France, essayer nos armes contre l'ennemi, quelque part en Italie, peut-être même tenter un débarquement de vive force ». Rien, évidemment n'est sûr, rien n'est précis car le secret des opérations ne doit pas être dévoilé, mais ces bruits contribuent à faire prendre patience aux hommes, lesquels, de toutes leurs forces, appellent le combat. Le 18 Mai 1944, le déplacement de l'Etat-Major de Groupe et des 1ère et 3ème Batteries sur les Aréas de PORTO-VECCHIO confirment leur opinion. Mal-heureusement la 2ème Batterie ne participe pas à ce déplacement, aussi, c'est avec des larmes dans les yeux que le personnel de cette unité dit au revoir aux camarades qui s'en vont. Mais ils se consoleront vite : leur tour viendra. Cependant, ce n'est pas encore le départ et après un bref séjour aux aréas, le Groupe s'installe dans les bois environnant le petit village de SOTTA.
Période de délassement, des baignades sont organisées dans le petit golfe de SANTA JULIA — L'entrainement se poursuit par des manœuvres combinées avec l'infanterie.
Enfin, le 8 Juin, les véhicules et le Matériel d'Artillerie sont dirigés sur les Plages pour le Waterprooffing. Dès lors une activité fiévreuse va régner sur les Aréas de Porto-Vecchio.
Les chauffeurs, guidés par des moniteurs américains, vont se livrer aux opérations délicates qui permettront au matériel d'être débarqué à quelques mètres du rivage et de regagner la terre ferme sans que les moteurs calent et que le matériel d'Artillerie soit endommagé par l'eau de mer. Ils prennent contact avec leurs Camarades Marsouins et également avec les conductrices qui vont courageusement les suivre dans l'aventure. — Les voitures Waterproffées, avec leurs longs tuyaux émergeant au dessus des capots, prennent de pittoresques allures de monstres marins. Le 14 Juin au soir, les officiers sont appelés au P. C. du Groupe. La grande nouvelle est annoncée: Nous allons débarquer et prendre l'ILE d'ELBE. Sur un tableau, une grande carte de l'île et des photo-graphies aériennes sont installées. — La manœuvre va nous être expliquée par le Lieutenant-Colonel DAVOINE.
Le point d'atterrissage sera la plage qui s'étend sur un kilomètre environ au Nord de MARINA Dl CAMPO. — Un R. C. T. débarquera dans la nuit, s'emparera des défenses Est et Sud de celle-ci; c'est à dire les ouvrages de MARINA DI CAMPO, de la PUNTA BAVILLA et de MONTE PORO puis, progressant vers le nord, coupera l'île en deux en s'emparant des villes de PILA et de PROCCHIO; de là, se dirigeant vers le Nord-Est, attaquera PORTO-FERRAIO, capitale de l'île.
Le R. C. T. dont nous faisons partie, après avoir débarqué au même point deux heures plus tard, appuiera l'attaque précédente en progressant par la vallée du FILETTO et la dorsade Montagneuse des Monts SAN MARTINO, MANCIONE et ORELLO jusqu'au PUCCIO. L'opération aura été préparée par des Groupes Francs et Tabors vers minuit chargés de neutraliser certaines défenses, en particulier, la Batterie de 150 du CAP d'ENFOLA, laquelle, par ses feux peut agir sur toute l'île. Enfin, le 15 Juin. — Le jour tant attendu est arrivé. Vers 17 heures, les reconnaissances de l'Etat-Major de Groupe et des batteries, et les détachements de liaison sont embarqués sur L. C. I. Ils doivent débarquer en même temps que l'Infanterie. Le matériel d'Artillerie et le personnel restant sont embarqués sur L. C. T. — Sur chacun de ces bateaux se trouvent des éléments d'Infanterie, d'Artillerie, du Génie et du Service de Santé. Les unités sent dissociées, mais ce fractionnement est nécessaire car il ne faut pas, pour employer l'expression des Américains « — Mettre tous les œufs dans le même panier — »
1. À BORD DES L.C.I.
La place est bien réduite à bord de ces L. C. I. Mais chacun en prend joyeusement son parti; les équipages sont Anglais ou Américains, mais presque tous ont hissé en tête de mât le pavillon Français. 16 Juin: Vers 17 heures, notre convoi, composé de 25 L. C. I. se met en route; au passage, nous rendons les honneurs au bâtiment Amiral; l'équipage est à la bande, les hommes sont au garde à vous. Les L. C. T. ne démarrent qu'à la tombée de la nuit — La mer est d'un calme plat. Nous dirigeons vers le Nord — Sur notre gauche les montagnes de CORSE dressent leurs cimes neigeuses éclairées par le soleil. Au loin, vers le Sud, quelques L. S. T. ont l'air de suivre notre route. 17 Juin : 4 heures — Réveil. Les hommes s'équipent en silence. Il fait nuit encore. Devant nous cependant, une haute montagne dresse sa noire silhouette : C'est le Monte CAMPONE, qui domine l'île de ses 1019 mètres — Tout est calme, aucun coup de feu, aucune fusée, pas de lumière à terre. Ce silence est impressionnant — Sur mon L. C. I. l'Aspirant BOURDAIS le désespère : «— Ils sont tous partis, dit-il, nous n'allons sûrement pas nous battre » . . . Le convoi s'approche, lentement . . . 4 heures 45 : Les hommes se rangent vers l'avant, officiers en tête, les passerelles de débarquement sont prêtes à être larguées. Nous voici à une centaine de mètres du rivage que nous distinguons à présent parfaitement ... La plage doit être prise ... Tout à coup, des éclairs illuminent les rochers de la FOCE; de violentes détonations retentissent en même temps; des gerbes de balles traceuses, par-tant de MARINA Dl CAMPO et de PUNTA BAWILLA se dirigent vers nous, sifflant aux oreilles. Les obus pleuvent autour des bateaux qui ripostent de toutes leurs armes. Les L. C. I. font machine arrière, puis demi-tour, et s'éloignent de la côte en continuant à tirer. Les visages sont consternés. Allons-nous nous en aller ainsi ! — Non. Après avoir marché un mille environ les bateaux stoppent. Des vedettes se dirigent vers la terre à toute vitesse et se mettent à lancer des pots fumigènes, lesquels dégagent une épaisse fumée et nous masquent aux yeux des défenseurs. En même temps de minuscules L. C. A. accostent à notre bord. Nous y descendons par des échelles de corde — Nous voici à présent fonçant vers la côte. Les obus font des ronds dans l'eau, mais la fumée qui nous environne ne permet aucun réglage et, bientôt, nous sautons à terre, sur les rochers du Cap MARGHIERI, à environ deux kilomètres à l'Est de la place initialement prévue. Il fait à présent grand jour. Les détachements de liaison partent à la recherche des Chefs de Bataillons. Les reconnaissances des unités arrivent à se regrouper et à rejoindre le Commandant NICOLAS. Par un sentier longeant la falaise, nous nous dirigeons vers l'Ouest : Il faut atteindre la plage de Marina di Campo parce que c'est là que le matériel doit débarquer, de plus, il s'agit de trouver des positions dans la région de BONALACCIA. Au passage nous croisons le Capitaine JANET : nous apprendrons quelques minutes plus tard qu'il a été tué par un minen. En arrivant sur les rochers bordant l'Est de la plage, nous sommes accueillis par des coups de feu. — Au large nous apercevons nos L. C. T. qui croisent parallèlement au rivage. Des batteries les prennent à partie — Sur la plage, un L. C. I., pavillon haut, achève de brûler; l'on aperçoit de nombreux cadavres étendus sur le sable: il s'agit sans doute de commandos faisant partie de la première vague — Pourvu que nos canons arrivent rapidement !
2. À BORD D'UN L.C.T.
Il y a à bord un peu plus de la moitié du matériel de la batterie et divers éléments du 4/R.T.S. (dont une section Anti-Charj, de la Compagnie du Génie, de la Compagnie des Transmissions. A la coupée, une ceinture de sauvetage pneumatique est remise à chacun, ainsi que des comprimés contre le mal de mer. A 11 heures 30, l'embarquement est terminé sans incident et le L. C. T. démarre pour stopper dans la rade. Chacun s'installe comme il peut, dans les véhicules ou sur le pont; heureusement, il fait un temps splendide. On en profite pour faire baisser la porte du L. C. T., ce qui permet aux hommes de se livrer à la natation. Les Officiers du bord sont très accueillants : ils ont déjà participé à maints débarquements: Afrique du Nord, Pantellaria, Sicile, Salerne. Le lendemain, nous démarrons enfin à 17 heures. Dans chaque embarcation l'équipage rend les honneurs au vaisseau Amiral devant lequel on défile lentement. La flotte longe lentement la cote Est, à bonne distance et en bon ordre. Des destroyers vont et viennent autour du convoi. La nuit tombe — Interdiction de fumer . . et nous glissons silencieusement sur une mer calme.
Dans la nuit, vers 3 heures du matin, des rougeoiments profilent les sommets de l'ILE d'ELBE — Le silence est toujours complet, nous sommes encore loin. Le maquis brûle, probablement à la suite de bombardements aériens. Avant le lever du jour, tout le monde est debout scrutant l'obscurité et, dès que le soleil parait, on devine les côtes de MONTE CRISTO, de PIANOSA puis, enfin, de l'île d'Elbe dont les cimes disparaissent dans la fumée des fumigènes et des incendies. On perçoit à présent nettement les détonations. C'est le premier contact avec la Bataille. Nous approchons de la baie de Marina di Campo où doit avoir lieu le débarquement. De nombreux dragueurs de mines vont et viennent. Nous stoppons. Soudain, une vingtaine d'obus arrivent dans la zone de stationnement des L. C. T., plus tard, nous saurons que c'est une pièce de la batterie d'Enfola qui tire, les commandos débarqués de nuit n'ont pas réussi à la réduire au silence.
Tous les chalands font marche arrière et se mettent hors de portée. Un coup est tombé à 50 mètres de nous. Une mine sous-marine explose juste à l'arrière d'un dragueur qui croise à 50 mètres de nous. — II parait ne pas en être affecté. — Le Commandant du L. C. T., un Anglais, me dit, flegmatique: « Beaucoup poisson maintenant. » Presque au même instant, une vedette lance-torpille allemande tente de faire une incursion rapide parmi nous. Elle est immédiatement prise à partie par trois vedettes britanniques. Les trajectoires matérialisées par les projectiles traceurs fusent des deux côtés. Le combat dure 3 minutes à peine et le batiment allemand se dérobe derrière un nuage de fumée. Pendant ce temps, un duel d'Artillerie se déroule entre des unités amies et une batterie de côte à 7 ou 8 kilomètres de Marina di Campo. Les navires sont encadrés mais poursuivent imperturbablement leur mission.
Nous croisons maintenant non loin du navire hôpital, vers lequel commencent à affluer les embarcations légères amenant les blessés. Ce navire hôpital a, du reste, été touché par un coup direct de la pièce d'ENFOLA. Nous voyons la déchirure dans la coque nettement au dessus de la ligne de flottaison. Nous devons débarquer à 7 heures 30 sur la plage « jaune ». D'accord avec le Commandant du bord, je fais mettre les moteurs en route. 8 heures, 8 heures 30, 9 heures, nous ne débarquons toujours pas. Le Commandant du bord me fait savoir que l'on ne peut débarquer sur cette plage « jaune », la seule qui permette de mettre le matériel lourd à terre, car elle est toujours soumise à un feu nourri de l'ennemi.
L'aviation, à part quelques chasseurs, qui tournent en rond très haut, brille par son absence.
La canonnade continue, le Tambone, où nos fantassins viennent d'arriver, reçoit plusieurs concentrations fournies. Dans la partie Ouest de l'île, calme complet; elle n'est pas occupée parait-il. Des bateaux légers continuent de lâcher des nuages de fumigènes aux abords de Marina di Campo. Ayant pris l'écoute radio, j'entends l'observateur avancé parler du haut du mont Tambone, où le Bataillon du Commandant GUFFLET reste accroché pendant la majeure partie de la journée. Durant toute l'après midi, les moniteurs continuent de tirer. D'heure en heure, nous attendons le débarquement, à 17 heures enfin, nous pénétrons dans la baie; l'aspect tragique de la ville, de la plage et des défenses qui les entourent nous frappe. On distingue des cadavres encore allongés au ras de l'eau qui les recouvre et les découvre en clapotant. Marina di Campo, où de furieux combats de rue se sont déroulés, offre un aspect sinistre, maisons éventrées et brûlées. Nous passons devant un chasseur de sous-marins ennemi, échoué et brûlé; il est armé d'un canon de 75 français — 2 L. C. I. ont aussi brûlé et se balancent lentement au gré des flots.
Nous avançons toujours et découvrons maintenant les emplacements de batterie en caponnière qui ont longtemps interdit la plage.
Nous allons aborder. Des prisonniers Allemands et Italiens, encadrés par des Sénégalais déroulent avec célérité des tapis Sommerwell et manipulent des caisses de vivres et d'obus.
Un choc, aussitôt l'avant du L. C. T. s'abaisse; déjà nos moteurs tournent. Nous avons heurté le fond assez loin du bord, il va falloir passer par 0 m,80 d'eau, nous allons voir si le Waterproofing est bien fait ... Soulagement: tous les véhicules sont passés en un clin d'œil. Le Capitaine nous attend sur la plage — Il nous apprend que le Capitaine JANET du 2ème Groupe a été tué le matin. Nous nous dirigeons rapidement vers la première position de batterie de Bonalaccia, il est environ 17 h. À 17 heures 30 nous sommes en position à 200 mètres au Nord de Bonalaccia et, à 18 heures, la 1ère Batterie ouvre le feu (appui direct du 1er Bataillon du 4/R.T.S.). Des observatoires ennemis (cote 281) sont pris à partie ainsi que la batterie de SAN MARTINO qui, bientôt, ne tirera plus. Les Marsouins entendent avec enthousiasme les obus passer au dessus de leur tête. Ils vont foncer plus hardiment encore.
Dans la soirèe, la 3ème Batterie débarque à son tour. Le Groupe est à présent au complet et va faire du bon travail. De nombreux civils passent devant nous, un drapeau blanc à la main; ils font triste figure et cherchent à se donner une contenance en nous abreuvant de marques de sympathie . . Dans la nuit, une mitraillade nous tient longtemps en éveil, puis, tout se calme.
18 Juin :
Sous les déluges d'obus qui bouleversent leurs ouvrages, les Allemands et les Italiens se replient vers l'Est. Les Monts MANCIONE et ORELLO sont pris. Pendant toute la matinée, l'ennemi exécute un harcèlement sur nos positions de batterie. Il est peu dense. Les coups les plus proches sont à 400 mètres derrière nous. Nos batteries sont bien défilées. Le Groupe effectue un bond en avant et prend position à RECISO. La route qui y mène est tortueuse et dangereuse, souvent bordée du côté du ravin par un mur de soutènement à pic sans garde-fou. Toute la circulation se fait par cette voie unique, des convois de blessés redescendent vers Marina di Campo. — Des véhicules sont immobilisés.
Dans un endroit particulièrement escarpé, il est impossible de les doubler. On y arrive cependant mais les G.M.C. sont passés avec un pneu dans le vide. Frissons . . . Quelques fusants ennemis éclatent à ce moment au-dessus de nos têtes.
Nous traversons maintenant les lieux où des combats féroces se sont déroulés le matin même. Des pitons couronnés de blokhaus bétonnés ont dû être conquis au lance-flamme — De grandes étendues de maquis ont brûlé. Dans les fossés de nombreux goumiers Marocains sont restés étendus. Des camions chargés de prisonniers nous croisent; nos Sénégalais ne manquent pas de leur témoigner quelques marques d'amitié au passage!!!...
De Reciso, le Groupe effectue de nombreux tirs d'appui direct sur les pentes du Puccio et du Mont Fabrello et au Volterarrio, et prend à partie des batteries ennemies qu'il détruit (MAGAZZINI, M0LINACCIO, COL de PAUCHE. PORTO FERRAIO est pris, l'ennemi débordé reflue dans les montagnes situées au Nord de l'île.
19 Juin :
Le Groupe effectue son dernier bond et vient mettre en batterie dans la Région de Cassa Rossa, où les derniers tirs sont effectués. Le lendemain, les derniers éléments ennemis sont fait prisonniers : l'île d'Elbe est conquise.
Sur cette terre, où est attaché le souvenir de Napoléon, l'ennemi aura mesuré la force de nos armes neuves. Nos hommes ont encore plus de confiance en leurs chefs et en eux-même. Leur moral est splendide. Pendant ce temps, la bataille d'Italie se rapproche, nous entendons jour et nuit le grondement du canon. — PIOMBINO, sur lequel la 12ème batterie et 2 batteries servies par des marins ont tiré pendant deux jours, est bientôt occupé et dépassé.
Pendant plus d'une semaine le Groupe stationnera à l'île d' Elbe. Le 22 Juin, le Ministre de la Guerre, accompagné par le Général de LATTRE de TASSIGNY, passera en revue à PORTO LONGONE des détachements de toutes les unités ayant participé à la conquête de l'île. Le Groupe est à l'honneur et des citations récompenseront ceux qui se sont particulièrement distingués. Ce sont :
— Le Capitaine PERETIE (alors Lieutenant).
— Le Sous-Lieutenant RENAUD Maxime, de l'E.M.
— Le Sous-Lieutenant LACOSTE, de la 3ème Batterie.
— L'Aspirant BOURDAIS, de la 1ère Batterie.
— Le Mal-des-logis ROBINE, de la 3ème Batterie.
— Le Canonnier QUERU, de la 1ère Batterie.
— Le Canonnier RAOULT, de la 3ème Batterie.
Cependant, d'autre tâches plus urgentes appellent le Groupe. Le 27 Juin, au début de l'après-midi, le personnel s'embarque à Marina di Campo sur des L.C.I. et arrive dans la soirée à Bastia. Le 1er juillet, le matériel rejoint la Corse, et le Groupe, au complet, est rassemblé au bivouac dans la région de PIETRALBA, petit village situé à une dizaine de kilomètres de PONTE-LECCIA.
Pendant plus d'un mois, les unités vont s'entraîner activement. Le matériel est révisé avec un soin jaloux. Une manœuvre de Division a lieu les 24, 25 et 26 juillet dans la région de Campile. Du 31 juillet au 4 août ont lieu les dernières Écoles à feu aux environs de l'île ROUSSE.
— Le Groupe est à présent fin prêt.
Tous les soirs, groupés autour des appareils radio, les hommes écoutent les informations; ils suivent avec fièvre les opérations des forces alliées débarquées en Normandie. La plupart ont peur de ne pas arriver à temps. N'allons nous pas prendre part,à la libération du pays !
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II
Opérations de Toulon
Le 15 Août, aux premières heures de la matinée, des vrombissements d'avions se font entendre. Tout le personnel sort des guitounes. Une nuée d'avions de transport, de bombardiers, escortés par des chasseurs, surgissent de tous les points de l'horizon, se rangent en formations serrées juste au-dessus de nos têtes et piquent vers le Nord-Est. Pendant plus de 4 heures, ils défileront sans interruption. — Plus de doute à présent : La grande opération est commencée. — Vers le début de l'après midi, les premières informations nous parviennent, il s'agit bien du débarquement tant attendu sur les côtes de PROVENCE. — Les hommes crient leur enthousiasme... mais aussi leur impatience. Quand allons-nous partir !
Le 16 Août, le Groupe fait mouvement sur les bivouacs d'attente, à CAURO, et, le 20 Août, il est embarqué sur des L.S.T., dans une petite baie située en face d'AJACCIO.
Matériel et personnel prennent place sur leurs bateaux dans le plus grand ordre. Ces opérations nous sont à présent familières, aussi sont-elles exécutées avec rapidité. La joie se lit sur les visages de tous. Vers 19 heures, le convoi se met en route; la mer est calme. — Aucun incident ne marquera cette traversée. Le lendemain matin, les côtes de Corse sont encore en vue, par tribord arrière, mais on ne distingue pas celles de la France.
Le temps passe et l'on se presse de plus en plus vers l'avant pour essayer de voir. Impatience très compréhensible : chacun de nous a des êtres chers, laissés sur cette terre. Il y a plus de deux ans déjà, nous avons quitté la France captive, enchaînée par le boche et nous allons la retrouver, l'arme à la main. L'émotion, la résolution se lisent sur tous les visages et, vers 15 heures, les premières montagnes de chez nous commencent à se dessiner à travers les nuages. Bien des yeux sont embués de larmes. Peu à peu l'horizon se précise. Cartes en main les Officiers essaient d'identifier les points les plus nets.
Voici, à bâbord, le cap CAMARAT, derrière lequel on devine le golfe de SAINT TROPEZ. Un grand nombre de bâtiments, retenant des balcons de protection sont à l'ancre, ou croisent le long de la côte. Notre L.S.T. oblique à présent vers le Nord-Est. Bientôt le clocher pointu de FREJUS émerge de la brume, puis, les coupoles caractéristiques de la cathédrale de SAINT RAPHAEL. Le bateau se rapproche maintenant de la terre. Les hommes sont rassemblés, à leur poste, en tenue de débarquement. Les moteurs des véhicules sont mis en route. Nous piquons droit sur le val d'ESQUIERE, et à 17 h. la quille racle le sable de la plage de LA NARTELLE, à quelques kilomètres au Nord de SAINTE MAXIME.
La porte avant du L.S.T. se rabat, les premiers éléments débarquent. L'on aperçoit des hommes ramasser des poignées de sable et les porter a leurs lèvres. C'est une joie délirante chez tous. A présent, les éléments du Groupe se reforment sur la route côtière qui va de Cannes à Saint Tropez. L'Etat-Major et la 1ère Batterie sont au complet, il n'y a qu'une section de la 3ème Batterie. La 2ème Batterie n'a pas non plus débarqué. La colonne se met bientôt en route, se dirigeant vers le Sud et par Sainte Maxime et COGOLIN, vient installer son bivouac en lisière des bois situés au Sud du petit village de la Mole. Nuit calme. Vers Toulon, le grondement du canon se fait entendre.
22 Août :
Le reste du Groupe n'étant pas encore arrivé, la section de la 3ème Batterie est jointe à la 1ère Batterie qui va former ainsi une unité de six pièces. À 10 heures, l'ordre de reconnaissance arrive. Des positions doivent être recherchées, dans la région de LA FARLEDE pour appuyer la progression de nos éléments attaquant Toulon par l'Est. Vers 15 heures, la Batterie prend position dans un verger de pommiers, à deux kilomètres Nord-Est de LA FARLEDE.
L'observatoire est installé sur les pentes de la colline de Pierascas, au pied du COUDON. A 17 heures, le feu est ouvert sur les hauteurs de Touar, qui domine le village de la GARDE. Les Allemands tirent sur l'observatoire avec du 88 mm. mettant le feu aux pins et aux arbustes. Les pentes du FARON sont également en flammes.
À 23 heures, alors que les hommes prennent quelques instants de repos, une centaine de coups de 150 arrivent en plein dans la batterie. Les servants, surpris, se laissent rouler dans leur trou. Par miracle, il n'y a pas de tués. L'Aspirant BOURDAIS, l'Adjudant chef LUCET, le Brigadier ZIMNY de la 1ère Batterie et les canonniers ICART et KONDE MANOA de la 3ème Batterie sont blessés. Les pièces et les véhicules, bien qu'atteints par des éclats, ne sont pas sérieusement endommagés.
Une heure après, une cinquantaine de coups arrivent à nouveau, mais, cette fois, ne causent aucun dégât, car huit obus sur 10 n'éclatent pas. Ce baptême du feu sur le sol de France ne fera que stimuler l'ardeur de tous.
23 Août :
Les forts environnant Toulon résistent énergiquement. La progression de nos Marsouins est difficile dans cette région coupée de hauteurs et littéralement truffée de fortifications permanentes ou d'ouvrages de campagne. La Batterie exécute de nouveaux tirs sur les minens à BEAULIEU, à l'Ouest de la Valette, ainsi que sur les pentes du Mont Faron. Dans l'après midi, la 2ème Batterie arrive à La Farlède, ainsi que la section de la 3ème Batterie; le Groupe est à présent au complet. Les observatoires sont toujours situés sur les pentes de PIERASCAS. Le soir, le village de LA VALETTE est occupé.
24 Août :
Le Groupe effectue un bond en avant. A 2 heures du Matin, il occupe des positions à 1 km.500 à l'Est du village de La Valette. L'observatoire est situé sur la route du SUPER-FARON à Beaulieu, au pied du fort d'Artigues, encore occupé par les Allemands. Un Officier de marine, habitant une villa proche vient spontanément offrir ses services au Chef d'Escadron MONNIER. Il tonnait de nombreux emplacements de batteries ennemies et va nous être très utile. La première signalée se trouve à Balaguier. L'on distingue en effet les lueurs de la Flak. Elle est prise immédiatement à partie. La 1ère Batterie règle, après quoi, le Groupe effectue une concentration bien en place. Les pièces ennemies ne tireront plus.
Aussitôt après, c'est au tour de la Batterie de la Rode, installée dans les terrains vagues qui entourent les bâtiments de la gare du chemin de fer de Provence. A 9 heures 30, le feu est ouvert sur le fort de LA MALGUE, en appui du 4/R.T.S. qui attaque cet ouvrage.
10 heures: Le Groupe reçoit l'ordre d'occuper de nouvelles positions dans la région d'OLLIOULES pour appuyer l'attaque de Toulon. Il sera obligé de faire un grand détour par SOLLIES-PONT, SIGNES, LE CAMP et LE BEAUSSET. A 16 heures, les positions sont occupées. Elles se trouvent à 1 kilomètre environ à l'est d'Ollioules, l'observatoire sur la pente Nord-Est de la côte 136,4. À 16 h. 30 le feu est ouvert sur le fort de Malbousquet.
25 et 26 Août :
Ces deux jours seront employés à l'écrasement des défenses allemandes attaquées successivement par notre Infanterie. Tirs de neutralisation, et de destruction se succèdent. En particulier, la batterie de BREGAILLON, le Fort de MALBOUSQUET, l'ouvrage de la CROIX des SIGNAUX, reçoivent un déluge d'obus. Le défenseurs, complètement abrutis, se rendent avec assez de facilité.
27 Août :
Les derniers éléments qui résistent encore se sont réfugiés dans la presqu'île de Saint-Mandrier. Un nouvel observatoire (Etat-Major et 2ème Batterie) est installé au fort de SIX FOURS qui s'est fait sauter la veille. Les dernières concentrations seront effectuées sur le fort de SAINT-ELME et de SAINT-MANDRIER.
28 Août :
Tous les ennemis chargés de la défense de Toulon sont, ou tués, ou prisonniers. Le Groupe va s'installer dans les faubourgs Nord-Ouest de la ville, au quartier des ROUTES.
Pendant 10 jours, nos hommes vont goûter un repos bien gagné. Ils ont libéré Toulon, cette ville si chère à nos cœurs de Coloniaux. L'enthousiasme des Toulonnais se donne libre cours lors de la revue qui sera passée sur le Boulevard de Strasbourg, par l'Amiral SIR METLAND WILSON.
Mais la tache du Groupe ne fait que commencer, c'est vers le nord à présent qu'il faut regarder : Le boche doit être bouté hors de FRANCE.
III
Opérations de la Boucle du Doubs
du 7 Septembre au 28 Novembre 1944
Àprès l'euphorie de la victoire de Toulon, le Groupe s'installe au semi-repos à LA BATIE-DIVISIN, petit village des environs de VOIRON. L'impatience est grande de pousser vers le Nord, toujours plus au Nord. Hélas! le manque d'essence nous cloue au cantonnement.
Enfin le 12 Septembre, l'ordre de départ parvenu, nous partons vers PONTARLIER et au delà pour nous rapprocher de la zone de combat en attendant le reste de la Division. Rude étape de 330 kms, qui nous amène à RANDEVILLERS. Là, sans prendre le temps de souffler, les reconnaissances de batterie poursuivent jusqu'à VELLEROT, car l'ennemi est de l'autre côté de la barre rocheuse du LOMONT OUEST; il faut le plus vite possible soutenir le R.I.C.M. durement accroché à GOUX, VILLARS s/ECOT, ECOT, et SOURANS. Il fait nuit quand reviennent les reconnaissances : la mise en batterie sera pour le lendemain matin.
Le 13 à 8 heures, le Groupe est prêt mais il est loin de la zone d'action, aussi le Commandant de Groupe décide-t-il de pousser ses batteries jusqu'à DAM-BELIN. À 11 heures tout le monde est en place dans une situation aventurée, car l'ennemi n'est pas loin tout autour de cette avancée que constituent les villages de Dambelin, Goux, HYEMONDANS. Pour manifester notre présence, ce jour même nos observateurs « accrochent » sur l'Eglise d'Ecot qui prend feu. En contre-partie et pendant longtemps, Goux sera soumis à un bombardement continuel et un jour nos observateurs ne pourront occuper leurs observatoires au Nord du village, la place étant déjà prise par des patrouilles allemandes.
Pendant les quelques jours qui vont suivre, le R. I. C. M. tente d'asseoir sa position par la prise des villages de LANTHENANS et SOURANS aidé par le Groupe dont le Sous-Lieutenant Pierson est observateur avancé. Toutes les nuits le P. C. du Groupe à Dambelin est harcelé par du 150 mais les murs sont solides et personne n'est touché.
Enfin le 18 la situation s'améliore nettement avec l'arrivée des premiers éléments d'Infanterie (13e R.T.S.) qui relevant le R.I.C.M., forment une couverture plus sérieuse. Le Groupe peut respirer. Aussitôt une action est entreprise sur SAINT-MAURICE ECHELOTTE et pour cela le Groupe s'installe à HYEMONDANS. Le premier contact avec St. Maurice est plutôt brûlant, le S/Lieut. PIERSON est blessé par éclat et est évacué. Quelques jours plus tard le III/6e R.T.S. reprend l'affaire qui finit par le repli de part et d'autre de SAINT-MAURICE, des Français qui l'ont pris et des Allemands qui renoncent à y revenir.
Puis le Groupe change de secteur, après un temps d'arrêt à Dambelin, il se porte sur le plateau de MONTECHEROUX - CHAMESOL pour relever à lui seul toute l'A.D./3. Situation défensive dit-on; le plus clair de l'affaire consiste en une suite de mises en batteries ou simplement de reconnaissances dans un terrain affreusement boueux. C'est la guerre de positions sans faits marquants. Peut-être va-t-il falloir passer l'hiver là. Çà ne serait pas drôle, surtout que les munitions sont encore plus rationnées que les vivres.
Enfin changement de positions, le Groupe repasse à l'appui du 4e R.T.S. et occupe dans la vallée les positions du 2ème Groupe à VILLARS s/DAMPJOUX. Le terrain n'est pas meilleur puisque les alvéoles de pièce sont transformées en mares à canards, mais au moins il y a des maisons à proximité et les hommes peuvent s'abriter. Et les jours se succèdent sans histoires, sinon cependant un soir, le 2 Novembre, où une vingtaine de coups arrivent tout près de la 2eme Batterie. La Chance nous sourit : encore une fois, pas une écorchure. Et les munitions sont toujours aussi rares, en même temps que le front de la zone d'action s'élargit. Nous retrouvons notre vieille connaissance Ecot et son clocher démantelé, les grands bois mystérieux et redoutables. Cependant des bruits d'offensive commencent à circuler, il est question d'une démonstration, d'une tentative de rupture, d'un raccourcissement du front. Personne au Groupe ne sait au juste, mais on reconnait sans arrêt à droite ou à gauche de nouvelles positions. La neige tombe fréquemment et le plateau de Montecheroux est de moins en moins acceuillant. Pourtant c'est là que nous devons prendre position, en principe.
En principe seulement car le 13 Novembre brusquement la décision est prise dans la soirée. Le 6ème R.I.C. attaque demain sur ECOT, appuyé par les 1er et 3ème Groupes. Pour le moment tout le monde reste en place, çà ne sera peut-être qu'une démonstration. Le 14 à midi, grondement ininterrompu, les voisins de gauche attaquent aussi. Dans la Boucle, deux bataillons soutenus par le Groupe s'emparent d'Ecot le soir même. Çà n'est pas du fait des Allemands. Ecot est la clef de tout le système défensif de la Boucle du Doubs, il ne faut pas que les « Américains » gardent Ecot. Ainsi parlent-ils devant les Français encore occupés de la région. Et le lendemain contre-attaque sur Ecot. Heureusement le tir d'arrêt est un argument majeur, et l'attaque dissociée, morcelée, vient se briser sur la défense impitoyable. Les équipes de liaison Artillerie-Infanterie se transforment en Groupe de fantassins et apportent un sérieux appoint dans un corps à corps serré. Les Allemands sont vaincus, ils laissent deux douzaines de cadavres sur le terrain et tout le reste est fait prisonnier ou s'enfuit. Chez nous, pour marquer notre chance, une légère blessure au pied du radio Pierrevelsin.
Mais cet intermède ne ralentit pas l'action du Groupe qui dans le même temps déblaie le terrain devant le III/152e dans son attaque sur le groupe de fermes de LUCELANS et sur le Bois BRULE. Le soir tout est calme et le boche maté nous laisse tranquille. Mais dans la nuit au lieu de sommeil, c'est un nouveau déplacement pour les batteries. La « simple démonstration » se poursuit et il faut pouvoir tirer devant l'Infanterie qui progresse. Le Groupe revient à ses premières amours et retrouve Dambelin dans la région de AINANS-DU-BAS. Le 16, il doit même s'établir dans la région au sud d'Ecot, pourrie de mines et bouleversée par les bombardements de la guerre de position. Heureusement cette mise en batterie n'a pas lieu et déjà l'attention est attirée entre Doubs et Frontière Suisse où nos affaires vont bien. Le 17, mouvement de rocade vers l'Est, et mise en batterie d'abord dans la région de la ferme MALBARY, puis le soir vers la ferme du HAUT-DU-BOIS. Là encore tout est cassé, mais au moins le beau temps est revenu et pour coucher dehors cela vaut mieux que la neige et la boue.
Cependant la percée est faite et dès le 18 l'avance du Groupe suit le rythme d'une poursuite derrière les blindés, eux-mêmes précédés par le R.I.C.M. C'est d'abord Audincourt où l'on se met en batterie autour des maisons, sans tirer d'ailleurs, malgré de nombreuses missions d'appui qui nous sont confiées. L'accueil des populations est enthousiaste; pourquoi faut-il que notre joie soit brutalement interrompue par la perte du Capitaine PIGNAL blessé mortellement devant MORVILLARS, alors qu'au cours d'une mission de liaison, il tentait d'entraîner une infanterie réticente sur un glacis battu par les mitrailleuses ennemies. Arrivé depuis peu au Groupe, c'était une âme d'élite, qui avait fait sa place dans le cœur de tous les membres du Groupe.
Pour effacer cette impression, le Groupe n'eut pas top des difficultés qu'il rencontra à partir du 20 pour remplir ses missions. D'abord ce fut l'étape d'AUDINCOURT à GRANDVILLARS, où les routes, encombrées par toute une D.B., rappelaient les plus sombres jours de la retraite de 1940 à ceux qui l'avaient faite. Puis, sous une pluie diluvienne et tenace transformant les prairies en une mer de boue, le sol herbeux en marécages, les mises en batterie, et surtout les multiples changements de front allant jusqu'à 3200 de Morvillars à RECHESY, mirent les nerfs et les volontés des hommes à un degré d'usure encore jamais atteint. Dans une batterie, une pièce, après 10 coups en charge 7, voit sa roue gauche quasi engloutie dans le sol; dans une autre il fallut 7 heures pour sortir les pièces de la position et 24 heures pour que tout soit enlevé, en particulier un camion à munitions entièrement sur le ventre. Le tout, ajouté à la présence relativement proche d'un ennemi mordant, qui tenait absolument à couper le mince cordon qui nous reliait avec l'ALSACE reconquise en partie, les observatoires particulièrement visés par l'Artillerie et les mortiers, et, pour arranger les choses, la pluie, la pluie diluvienne de jour et de nuit, tout cela e laissé sur le personnel la marque d'un enfer pire que tout ce qui avait été connu.
Enfin à force de ténacité, le 26 ayant été le moment culminant de la crise, ne vit-on pas le Capitaine LEDERLIN « consommer » trois radios en 48 heures, deux d'entre eux évacués pour blessure à SUARCE et dans l'OBERWAL.
Le Groupe peut profiter de quelques jours de semi-repos à VELLESCOT où il s'était établi le 25. Bien entendu, c'est toujours un repos relatif, car les pièces en plein champ obligent à la vie sous la tente, et les lignes téléphoniques par exemple sont plus souvent coupées par les chars amis que par les obus ennemis.
Enfin le 30 le Groupe part en Alsace et s'installe à GEISPITZEN et, dès le premier jour, se paie la satisfaction de tirer enfin sur la terre allemande de l'autre côté du RHIN.
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IV
Opérations d'Alsace
du 30 Novembre 1944 au 31 Mars 1945
Les dures opérations, qui, sous un temps épouvantable, avaient amené le Groupe en Alsace, pouvaient laisser espérer un repos de quelques jours, dans un pays à la température encore clémente, aux riches villages, à la population accueillante et ouverte. En fait, pendant la période de stabilisation enregistrée par la 1ère Armée au mois de Décembre, le Groupe allait effectuer une série d'allées et venues pour participer plus ou moins heureusement aux différentes opérations à caractère limité qui furent montées pendant ce mois.
Malheureusement, pour la première fois, le 3 Décembre à RIXHEIM, la chance sembla l'abandonner. Montés de nuit de Geispitzen à Rixheim en vue d'une attaque sur HOMBOURG, il fallut s'installer en pleine obscurité dans un village surpeuplé, tandis que les batteries se casaient avec difficulté dans une cuvette exigue, qui seule assurait un défilement précaire tant à la rive badoise qu'à la FORET de la HARDT.
Le lendemain quelques arrivées, peu nombreuses, une dizaine en tout, s'abattirent aux abords immédiats du P.C. au presbytère, et du poste de secours dans la sacristie de l'Eglise. Le résultat fut la perte d'un sous-officier M.d.L. DEMERSON tué avec sept canonniers et quatre canonniers blessés. Pour comble de vexation, l'attaque sur Hombourg devancée par un sérieux coup de boutoir allemand en direction de l'écluse de PONT DE BOUC, fut annulée et le Groupe ne tira dans toute la journée que quatre coups pour un accrochage. Le soir même, il rentrait à Geispitzen, tête basse et tout pantois de ce premier coup du sort.
Quelques jours après, lors de l'attaque de NIFFER, PETIT-LANDAU, pour laquelle le Groupe était en renforcement d'appui auprès du 23e R.I.C., il contribua à enrayer un échec complet qui menaçait de tourner à la catastrophe. Journée pénible encore, bien que cette fois rien n'arrivât de fâcheux pour le personnel.
Au contraire, une semaine plus tard, le 10 Décembre, ce fut la brillante affaire de LOECHLE, qui fit reprendre confiance au personnel dans l'efficacité du canon qu'il servait. Et peu après, un mouvement vers l'Ouest nous amenait à BURNHAUPT-le-BAS, pour l'attaque des bois de NONNENBRUCH, qui devait avoir lieu le 14, puis le 15, puis qui fut, enfin, remise sine die. Mauvais souvenir encore que cette étape vers la victoire : sol détrempé d'abord, arrivée en pleine nuit, puis, quelques jours après un froid vif, le gel, rendant les positions en pleine nature particulièrement inhospitalières. Enfin, pour couronner l'affaire, première expérience des mines, l'Etat-Major y perdant un canonnier tué et l'Aspirant de LAPEYROUSE amputé en se portant au secours de la victime. Les Allemands de leur côté, tâtant sans cesse la position avancée de SCHWEIGHOUSE, il fallut encore leur faire éprouver la nature, rébarbative pour un assaillant, d'un tir d'arrêt bien en place.
Enfin, le 23 Décembre, le Groupe quitte la région pour venir à la sortie Sud-Est de MULHOUSE. Les reconnaissances fignolent le cantonnement de ZIM-MERSHEIM, les pièces directrices commencent même à s'installer et au moment où le Groupe arrive, il faut planter là le travail accompli et se lancer à l'aventure presque à la nuit tombante pour s'installer à RIEDISHEIM. Heureusement le rodage est fait depuis longtemps, et le mouvement s'effectue en souplesse, avec élégance, puisqu'avant la nuit tout le monde est en batterie, ou casé.
Situation calme pendant quelques jours, Noël et le premier de l'An passent quasi inaperçus, loin des familles et chaque jour apporte sa charge d'occupations sans intérêt de fonctionnaires à leur poste. Pourtant la situation devant Mulhouse n'est pas très encourageante. Il vaut mieux s'en tenir à une défensive sage et économique, et pour cela on recule le Groupe jusqu'à Zimmersheim, le 2 Janvier dans la matinée. On allait même jusqu'à envisager la manœuvre en retraite, s'il avait fallu abandonner Mulhouse. Heureusement rien de tel ne se produisit et les seules alertes sérieuses furent deux contre-attaques allemandes en Hardt, l'une sur l'ÎLE NAPOLÉON, l'autre sur PONT-DE-BOUC. Et les jours passaient sans se faire remarquer. D'ailleurs l'attention était bien davantage attirée par l'Offensive VON RUNSTEDT dans les Ardennes, et les contre-attaques ennemies au Nord et au Sud de STRASBOURG. Tout de même, on craignait bien de voir un jour le tour de Mulhouse arriver, et la division s'étirait sur un front invraisemblable : comment cela se passerait-il si le Boche s'imaginait de passer au travers !
Heureusement, si l'on peut dire, le froid très vif et surtout la neige n'incitaient guère à des opérations d'importance, et c'est avec étonnement que tout le monde apprit le 19 que, le lendemain 20 Janvier, on attaquait. Et l'on revient à Riedisheim reprendre emplacements bien connus, juste au moment où les artilleurs allemands se décidaient à bombarder les positions de batteries de Zimmersheim, aussitôt après que nous venions de les quitter. La chance était avec nous.
Et le 20 Janvier, du RHIN aux VOSGES, tout le front s'animait sous une préparation intense. Le Groupe, à l'appui du 6e R.I.C., expédiait rafales sur rafales au point que le soir la ligne ennemie était percée jusqu'à ILLZACH et KINGERSHEIM. L'Allemand surpris réagissait violemment le lendemain et, par suite du défi qu'on lui avait donné la veille, tentait, au moyen de renforts amenés dans la nuit, de rejeter les Français au delà de la DOLLER. Le 21, les contre-attaques sur Illzach et Kingersheim se brisaient sur une défense intraitable, mais elle-même singulièrement épaulée par le rideau de feu des tirs d'arrêts. Toute la journée, de six heures du matin à cinq heures du soir, revenaient en leitmotiv « tir d'arrêt D7, tir d'arrêt D8, tirez trois fois, renouvelez D7 et D8. » Cette insistance à demander D7 et D8 faisait comprendre à tous que nos affaires n'allaient pas toutes seules, et chacun mettait tout son cœur à répondre sans hésiter à cet appel lointain de la radio. 3200 coups dans la journée, et tous ces coups partaient dans une tempête de neige rageuse qui augmentait encore l'étrange effet d'une situation fendue, où le chargeur, sans savoir où ils allaient, chargeait ses obus et rechargeait sans trêve, où le pointeur, les yeux pleurant de froid, économisait les secondes pour annoncer prêt, où tous se sentaient solidaires et responsables de ce qui se passait cinq ou six kilomètres plus au Nord.
Et pendant les jours qui suivirent, de jour et de nuit, du calculateur au P.C.T. qui préparait les tirs au servant de pièces qui se donnait toujours plus, en passant par le téléphoniste réparant sans cesse les lignes essentielles, ce fut un travail épuisant, obscur, ingrat, par les temps les plus effroyables, sans parler des équipes de liaison ou d'observation qui, elles, connaissaient en plus, et chaque jour, les émotions des bombardements par mortiers, nebelwerfer, par artillerie ou par automoteur. Et pas à pas, les uns aidant les autres, on progressait lentement, mais irrésistiblement.
Enfin, le 2 Février, on arrive à limite de portée, il faut faire un bond jusqu'au Nord de BOURTZWILLER en pleine nature, car tout est cassé et il faut tâcher d'être au moins défilé au matériel dans cette plaine uniformément plate, où, un clocher, un crassier, dominent le paysage à cinq ou six kilomètres à la ronde.
Puis l'avance se poursuit; le 5 nouveau bond qui une fois encore nous amène au voisinage immédiat des éléments avancés. A la cité STE-THERESE, l'ennemi est de l'autre côté de l'Ill à 1.000 mètres de là, et il nous le fait bien voir en arrosant copieusement la cité, mais à côté de nos positions. Tout le monde n'a pas eu cette chance et c'est encore à la Liaison que le coup dur est arrivé. Le Maréchal des Logis RITOIT a été blessé mortellement précisément à l'attaque de la Cité Ste-Thérèse. Sa mort, avec celle des fantassins tombés le même jour, n'aura pas été inutile, puisque c'est grâce à elles que nos canons peuvent tirer bien assis sur un nouveau morceau de terre alsacienne reconquis.
Cependant la pluie refait son apparition; après le froid et la neige, elle vient détremper le sol et rapidement les positions deviennent des bourbiers. Justement il faut de nouveau faire des acrobaties. ENSISHEIM conquis le 7, le 8 un bond en avant nous amène en lisière Ouest de la Hardt entre Ensisheim et MUNCHOUSE. Acrobatie, car les sorties de batteries demandent deux heures et du fait aussi, qu'après avoir reconnu des positions à la sortie d'Ensisheim, on en occupe d'autres deux kilomètres plus loin. Il faut aller vite, si vite qu'on néglige de se cacher, et l'ennemi à Munchouse harcèle les voitures sur la route dès qu'elles arrivent en pleine vue. Cette fois nous sommes les lapins, mais les chasseurs tirent mal. Ce qui est plus grave c'est que, retrouvant comme en septembre le R.I.C.M., la couverture entre l'ennemi et nous n'est pas plus dense, plutôt moins même, et tellement moins qu'en début de soirée il s'en faut de peu que le Groupe n'assure en avant-poste la pointe du dispositif dans le secteur. Nuit inquiétante où nous épaulons l'action du R.I.C.M. dans sa traversée en force du CANAL du RHÔNE au RHIN, surtout au moyen de nos postes radios qui, eux, fonctionnent.
Enfin le calme revient avec la VICTOIRE DU RHIN. Le matin du 9 l'ennemi repasse le fleuve que nous bordons sur toute sa longueur. Et c'est la détente complète après la tension nerveuse et musculaire des trois semaines écoulées. Il faudrait absolument du repos pour tout le monde. Pour commencer, nous montons « LA GARDE AU RHIN » et Munchouse n'est pas un coin très brillant, surtout à côté d'un canal où les mines truffent le sol mieux que des champignons. Encore une amère expérience effectuée aux dépens d'un pied ou deux laissés sur le terrain.
Puis les bonnes nouvelles arrivent : La Division monte au repos à STRASBOURG et le 17 le Groupe vient s'installer non pas à Strasbourg, mais à Kertzfeld, à 25 kilomètres au Sud. Çà n'est pas la Grande ville, mais c'est mieux que la rase campagne. Evidemment, l'accueil est plutôt froid. On se méfie de la 1ère Armée qui a laissé un souvenir cuisant dans le cœur de la population. Il a bien fallu 48 h. pour retourner la situation et bien entendu, au moment où nous commencions à faire meilleur ménage possible, c'en est fini du repos : on recommence à monter la garde, d'abord avec quelques hésitations, puis définitivement le 20 à ERSTEIN. Le village est riche, intact, accueillant au possible, et on nous assure que nous en avons pour 5 ou 6 semaines. Chacun s'arrange sur place pour passer au mieux cette période de calme relatif. Il s'agit aussi de mettre à profit ce répit pour remettre de l'ordre dans les unités, pour parfaire l'instruction que la campagne n'a pas toujours favorisée dans tous les domaines. ROUFFACH et sa mystérieuse Ecole de Cadres ouvre ses portes aux meilleurs des pelotons I et II, sanctionnant ceux qui se sont distingués par leur aptitude au commandement et leur énergie. Et malgré tout, on n'oublie pas de monter la garde. Les jeunes troupes, ex-F.F.I., subitement amenées en ligne, ne manquent pas de nous en faire voir d'extraordinaires, mais tout se passe bien finalement; il semble que le boche ne veuille pas trop se frotter aux réactions des 105 du 1er Groupe.
Et les jours passent sans histoires. Il faut croire que l'accueil initial était mérité, si l'on en juge par les gémissements qui ont accompagné le départ des coloniaux au bout d'un mois de stationnement. Mais on ne peut pas toujours compter fleurette, la guerre, elle, ne s'arrête pas. La Division doit s'étendre au Nord de Strasbourg. Il faut relever la 3ème D.I.A., et le 19 Mars, adieu Erstein ! départ pour ROHRWILLER. Là, le paysage change brutalement. Village à peu près mort. La guerre y a laissé ses traces toutes fraîches. La plaine environnante n'a même pas été nettoyée de ses cadavres, et ils ne manquent pas. Les chars américains s'alignent pour une parade macabre, à perte de vue. Il y a deux mois, la lutte a été sévère, et cette fois encore, il y a quelques jours, tout ce pays a retenti des convulsions de la bataille.
Pendant quelques jours, dans ce triste cadre, la Garde du Rhin se poursuit, et là vient nous surprendre l'annonce du franchissement en force du grand fleuve par les Américains et les Anglais. Allons-nous rester à la traîne, nous les Français, nous les coloniaux, en ligne depuis plus de six mois sans interruption ? Tellement extraordinaire ce serait, que, vers la fin du mois nous retrouvons notre compagnon d'épreuves, le 21ème R.I.C., ex-4ème R.T.S., et nous quittons la terre de France le 31 Mars, veille de Pâques. Dans l'après-midi, nous franchissons la frontière, saluons au passage les formidables défenses de la ligne Siegfried, ses rangées de dents de dragons, ses blockhaus innombrables, ses villages fortifiés où les troupes américaines font des feux de joie des quelques maisons encore debout. Nous admirons le rude travail de nos camarades de la D.I.A. qui ont passé au travers de tout cela, mais la joie et l'orgueil sont en nous. Nous sommes en ALLEMAGNE. La campagne d'Alsace est terminée, celle du Reich commence.
V
Opérations d'Allemagne
du 31 Mars au 8 Mai 1945
Le jour de Pâques, 1er Avril, est une veillée d'armes fiévreuse. En batterie aux lisières Est de NEUPFOTZ, le Groupe se prépare à l'attaque du lendemain ayant pour objet le FRANCHISSEMENT DU RHIN. Journée calme malgré tout, l'ennemi reste tranquille de l'autre côté du fleuve.
Le lendemain 2 Avril, après un bombardement de neutralisation, suivi par un aveuglement en fumigène, l'infanterie se lance à l'assaut et sans coup férir effectue une tête de pont. L'ennemi ne réagit que par artillerie, et le Groupe oblige les quelques pièces qu'il utilise à se déplacer pour pouvoir continuer son harcèlement. Tout se déroule normalement et le soir l'ordre arrive de franchir le Rhin à MANNHEIM sur le pont américain. En toute hâte, les consignes passées au 2/R.A.C.M., le Groupe part à la nuit tombée. Mais cette fois c'est une guerre de vainqueurs qu'il fait. En avant, phares allumés, la chenille interminable se contorsionne au gré des sinuosités de la route jusqu'à Ludwigshafen et Mannheim. On traverse ces deux villes détruites dans une atmosphère d'apocalypse. Et la route se poursuit jusqu'au jour, le lendemain, car il faut projeter sans arrêt des antennes en avant à la manière des escargots pour reconnaître la route. Le Groupe perd pendant toute une partie de la nuit une de ses batteries, elle-même lâchée par son capitaine, pendant que celui-ci va donner du nez sur une coupure infranchissable du Reich-Autobahn.
Enfin tout le monde se retrouve au rendez-vous à LEOPOLDSHAFEN, le matin, où les fantassins viennent de rentrer. Pas de réaction sérieuse de l'ennemi à part deux ou trois arrivées occupé par la C.C.I. L'ennemi décroche et le lendemain 4 nous nous installons aux lisières Nord de NEUREUT. Tout est intact, les gens sont accueillants, l'ennemi s'en va. Comme cela la guerre est amusante.
Dès le 4, CARLSRUHE est pris; mais les Allemands décident de s'arrêter sur la bretelle de la liane Siegfried qui va du Rhin à la Forêt-Noire, à hauteur de MORSCH. Il faut aller donner un coup de main au R.I.C.M. en mauvaise posture dans ce dernier village et c'est encore une mise en batterie en avalanche à DAXLANDER. Puis, dès que l'attaque de la position est décidée, le Groupe concentre tous ses feux sur le village de NEUBURGWEYER qui, après un accrochage très sévère, est pris par le III/21eme R.I.C. Du côté de Mörsch, l'attaque n'a rien donné, mais on la reprendra demain. Et le Groupe vient le 6 au soir à FORCHHEIM pour appuyer au plus près.
Au lieu d'attaque, c'est une contre-attaque ennemie qu'il faut craindre et malgré la déception du personnel, on revient à Daxlander le 7 après-midi. Le lendemain, l'attaque annoncée se produit, et déjà dans la nuit il a fallu envoyer deux tirs d'arrêts au profit des voisins. Sans mise en place les tirs tombent à merveille; c'est un concert de louanges et de gratitude qui nous revient en échange. Mais le matin l'inquiétude est grande, les tirs d'arrêts se succèdent. Les coups partent sans discontinuer et les munitions diminuent à vue d'œil. En arriverons-nous à tirer les obus anti-chars et les fumigènes. Presque, puisque en fin d'opérations il reste 400 coups de toute nature, cinq minutes de tir à cadence rapide. Tout de même l'argument a porté, nos positions sont intactes et l'infanterie ennemie n'a plus qu'à ramasser ses morts. D'ailleurs dès le soir, avec l'aide de moyens extraordinaires de toute provenance, le Groupe reçoit 4000 coups.
Après la rude leçon infligée la veille, l'ennemi ne réagit plus que par nebelwerfer et incendie le village de Mörsch. Le Groupe lui, revient à Forchheim le 10, mais la position ennemie menacée d'enveloppement par la montagne est abandonnée dans la nuit du 10 au 11. Il faut le poursuivre sans perdre de temps, et, pour aller plus vile, les reconnaissances vont même jusqu'à pénétrer avant l'infanterie à BIETIGHEIM. Le Groupe suit peu après, on ne s'occupe plus de savoir ce qu'il y a devant. L'objectif est RASTATT et déjà nous tirons sur les ponts de la ville. Le 12 on se rapproche un peu en poussant jusqu'a OETIGHEIM. L'attaque de front est stoppée, les éléments amis font un glissement à droite et à gauche et voilà encore une fois le Groupe en première ligne. Il fait même des prisonniers et, dans la nuit, une sérieuse alerte aux blindés est déclenchée par la faute d'un bull-dozer qui passe innocemment à deux cents mètres devant les pièces.
Rastatt est mis à la raison il ne s'agit pas de se reposer. La veille, sous un vacarme d'enfer, les reconnaissances ont constaté l'impossibilité de se mettre en batterie au sud de la ville. Le 13 on dépasse franchement celle-ci pour s'installer à IFFERZHEIM. L'Infanterie progresse aussi vite qu'elle peut, et tout le monde se retrouve le soir 15 kilomètres plus loin à SCHWARZACH, que l'on n'a pu atteindre que par un chemin des écoliers d'une complication extraordinaire et inutile. Puis le 14 à Schwarzach, le 15 à RHEINBISCHOFSHEIM, et ensuite à BODERSWEIER, les batteries suivent une progression régulière et sans histoires.
Et dès lors commence une sorte de ballet champêtre dans lequel le Groupe change de partenaire chaque jour et parcourt la plaine du Rhin de haut en bas et de droite à gauche à la recherche du point de résistance.
Le 16 à STADELHOFEN il se prépare à appuyer l'attaque sur OBERKIRCH avec le 23e R.I.C. L'attaque a lieu le 17, réussit, et le soir même tout le monde s'en va de nuit pour rejoindre le C.C.3, 6ème R.I.C. à KURTZELL.
Le 18, on attaque LAHR et quand tout est terminé le Groupe vient à HEILIGENZELL pour appuyer le R.I.C.M. dans la montagne. Mais çà ne dure pas longtemps; au R.I.C.M. on ne laisse qu'une Batterie et tout le reste revient au groupement LAURENT C.C.3, qui nous entraîne vers le Sud dans la plaine du Rhin, par NIEDERHAUSEN, le 19 (où le franchissement d'un gué subitement transformé en torrent écumeux nous cause bien du souci jusqu'à la découverte d'un pont à 200 mètres au nord) par KENZINGEN, le 20, où l'artillerie ennemie a la mauvaise idée de nous encadrer proprement (une fois n'est pas coutume), et enfin le 21, par HEIMBACH, où il faut appuyer l'attaque sur EMMENDINGEN. Tous ces mouvements s'exécutent avec brio, une batterie tire, l'autre se déplace, puis 2 heures après tout le monde est dix kilomètres plus loin, les liaisons partent dans tous les sens, et on ne dort plus ou presque.
Le 21, trois mouvements dans la journée: HEIMBACH, EMMENDINGEN, HUGSTETTEN. Et pendant ce temps la 2ème batterie se transforme en batterie de montagne derrière le R.I.C.M., escalade les pentes, descend au fond des ravins, aide à faire sauter les bouchons et capture des prisonniers.
Enfin, le 22, FREIBURG pris, tout le monde se repose à VORSTETTEN et HUGSTETTEN pendant deux jours. Il fallait bien cela : le personnel et le matériel commençant à ne pouvoir assurer leur service.
C'en est fini de l'appui fourni au C.C.3, mais alors le 6e R.I.C. nous réclame pour l'aider dans la région de MUELHEIM. Le 24, mouvement sur HEISTETTEN où pour une fois nous sommes en retard, parce qu'une fois de plus les blindés sèment la catastrophe dès qu'ils se mêlent de vouloir circuler ou mieux régler une circulation. Enfin tout s'arrange, bien que le passage de l'Etat-Major sur une route en pleine vue, (on a l'air d'aimer ce sport dans cette batterie) déclenche un harcèlement de 88 à peu près inoffensif. Décidément l'artillerie boche n'aime pas les objectifs payants. Et le 25, retour en arrière pour venir avec le 21e R.I.C., cette fois, qui s'enfonce en forêt Noire depuis Freiburg. La 1ère Batterie nous précédant la veille s'installe à SAN MARGEN le 25, le reste du Groupe à SAN PETER. Pas un coup de canon, mais en revanche un vieil habitué des coups durs finit par payer son tribut. L'Aspirant BOURDAIS est blessé par éclat aux genoux, et son chauffeur BERNELAS, compagnon fidèle des bons et mauvais jours, est tué.
C'est une triste conclusion d'une campagne victorieuse qui d'ores et déjà est terminée pour nous. Le 26, mouvement sur NEUSTADT, où nous nous installons jusqu'au 29 au repos. La neige et le froid rendent la présence des maisons des plus intéressantes, et tout se serait bien passé si un observateur aérien n'avait semé l'alarme par un message inconsidéré, forçant à mettre sur pied une partie du Groupe pour battre la campagne jusqu'à 10 heures du soir, pendant que le dit observateur se prélassait tranquillement au chaud à Freiburg. Le 30 nous quittons Neustadt et jusqu'à la capitulation, le Groupe va de villages en villages, en passant par NEUDINGEN, HEUDORF, et enfin EMMINGEN AB EGG et alentours, où la cessation des hostilités vient le surprendre, ne provoquant qu'une réaction d'étonnement: « Tiens, c'est fini » ! C'est presque l'indifférence car pour nous rien n'est fini. Cette victoire fêtée en France par ceux qui n'y étaient pour rien, marquée auprès du canonnier par une absence quasi complète de réaction, n'est qu'une trêve dans la suite de la campagne du Groupe. Le 1/R.A.C.M. ne s'arrêtera pas en chemin, car il n'y a pas de repos pour les bigors, ni de relève. Pendant huit mois de campagne ils se sont prêtés à toutes les infanteries, maintenant c'est à une nation étrangère qu'on va les prêter pour que par eux la FRANCE soit présente partout.
VI
Campagne d'Allemagne
« de Lahr à Waldkirch »
avec la 2ème Batterie en appui du R. I. C. M.
du 19 au 21 Avril 1945
Depuis le 18 Avril, la 2ème Batterie est en position avec le reste du Groupe, aux lisières d'HEILIGENZELL, en appui du R.I.C.M.
Dans la matinée du 19 Avril, elle reçoit une mission particulière : elle est mise temporairement à la disposition du Colonel Commandant le R.I.C.M., dont les colonnes blindées progressent en Forêt noire.
Elle reste initialement en position à Heiligenzell et exécute le 19 Avril dans la vallée de LAHR, vers le Sud-Est un tir demandé et règlé par l'officier de liaison (S/Lt. PEYSSOU), au profit de l'Escadron AUBINIERE. Celui ci est arrêté dans sa progression par une section de 88 Pak, installée aux lisières de SEELBACH. Très rapidement mis en place, ce tir se révèle extrêmement efficace, puisque l'un des tracteurs de pièce est incendié et presque tout le personnel de la section anéanti. Après la reprise de la progression, les deux pièces tombent en notre possession et le sous-lieutenant PEYSSOU peut vérifier par lui même les résultats du tir.
Dans le courant de l'après-midi, la Batterie est poussée au Sud de Lahr, et s'installe à SULZ, qu'avait occupé le matin même une Cie du 6ème R.I.C. Aucun tir ne lui est demandé. Dans la soirée, une des sentinelles est attaquée à la grenade par deux soldats allemands qu'elle tentait d'arrêter. Elle riposte au fusil, blesse l'un des Allemands qu'elle capture, pendant que l'autre réussit à prendre la fuite.
Le 20 Avril, de bonne heure, la progression reprend. La batterie passe à l'appui de l'escadron POL et s'installe aux lisières Ouest de ETTENHEIMMUNSTER.
Vers 16 heures, l'Officier de liaison demande un tir sur des organisations ennemies qui arrêtent la progression des blindés de l'Escadron COUTURIER à 4 km. Est de SCHWEIGHAUSEN. En fin d'après-midi, ce tir est repris sous forme de préparation d'attaque (Durée: 10 minutes). Puis, de 20 h. à 21 h. 30, la 1ère pièce exécute un tir de harcèlement sur une portion de route, pour gêner le décrochage de l'ennemi.
Dans le courant de la nuit, 7 soldats allemands sont faits prisonniers. Le 21 Avril, dans la matinée, le Colonel Commandant le R.I.C.M. fait reconnaître au Capitaine ALLIOU un itinéraire en montagne pour amener la batterie dans la région de OBERSPIZENBACH, en vue d'appuyer l'attaque sur GUTTACH et WALDKIRCH.
Malgré d'assez fortes difficultés de terrain, aggravées d'un violent orage, le mouvement commencé à 14 heures est terminé à 16 h. 15. En nettoyant les abords de la position, les canonniers capturent 7 prisonniers. Pendant ce temps, l'Escadron AUBINIERE qu'accompagne le S/Lieutenant PEYSSOU, au cours d'une véritable corrida en montagne, cueille les uns après les autres les villages, sans presque coup férir, seulement « à l'estomac ».
La température s'est brusquement abaissée, et dans la nuit, ainsi que dans la matinée du 22 avril, !a neige tombe en flocons épais.
Aucun tir n'est demandé à la batterie, et celle-ci reçoit l'ordre, le 22 vers midi, de rejoindre le Groupe à VORSTETTEN.
La sortie de batterie, sous la neige, et la marche sur l'itinéraire de la veille se révèlent assez pénibles, mais néanmoins, tout rejoint au complet. Ainsi prend fin cette petite odyssée de trois jours, qui a laissé à tous le meilleur souvenir, et en particulier, l'étape de montagne un peu « acrobatique ».
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ETAT NOMINATIF DES GRADES DU GROUPE
à la date du 8 mai 1945
OFFICIERS :
Chef d'Escadron
Capitaine
Lieutenant
Lieutenant
Lieutenant
Lieutenant
Sous-Lieutenant
CALZARONI Antoine
ALLIOU Jean
CHOPPIN Louis
RENAULD Maxime
BIRAUD Francis
PEYSSOU Jean
MULLER Paul
Commandant Adjoint
Capitaine Adjoint
Officier de Transmissions
Observateur aérien
Observateur
Officier de liaison Infanterie
Officier orienteur
Adjudant-Chef
Adjudant
Adjudant
Adjudant
Maréchal des logis-Chef
Maréchal des logis-Chef
Maréchal des logis
Maréchal des logis
Maréchal des logis
Maréchal des logis
Maréchal des logis
Maréchal des logis
Maréchal des logis
Maréchal des logis
TRENDEL Albert
LARGENTON Marcel
PENALBA Evariste
NICOLAS Emile
MAIGROT Lucien
KOREICHO Wladimir
GRENGLET René
SCHUTTE Yves
JARDIN Pierre
LACOMARE François
HETZEL Charles
LAZARTIGUES Roger
SANCHEZ René
COLFORT Georges
Secrétaire du Groupe
Adjudant de batterie
Chef d'Equipes téléphoniques
Chef comptable
P.C.T.
P.C.T.
Liaison
Chef d'Equipe radio
Chef d'Equipe radio
Fourrier
Chef d'Equipe téléphonique
Orienteur
P.C.T.
Chef de garage
OFFICIERS :
Lieutenant
Sous-Lieutenant
BUFFET André
COIDON Albert
Lieutenant de tir
Chef de section
Aspirant
Adjudant-Chef
Adjudant-Chef
Maréchal des logis Major
Maréchal des logis Major
Maréchal des logis-Chef
Maréchal des logis-Chef
Maréchal des logis-Chef
Maréchal des logis-Chef
Maréchal des logis-Chef
Maréchal des logis
Maréchal des logis
Maréchal des logis
Maréchal des logis
Maréchal des logis
Maréchal des logis
DUPRE Gilbert
QUEFFURUS Charles
BRU André
BUFFAT Henri
DUPIN de MAJOUBERT Fernand
MANGEOT Gaston
JOSSO Robert
CEYROLLE Pierre
DEJARDIN Jean-Marie
LAVIGNE Germain
BOSSEGE Jean
DURAND Jean Pierre
GOUDEY Georges
MOREAU Maurice
EME Albert
TARGE Louis
Chef de section
Chef des voitures
Adjudant de Batterie
Chef comptable
Chef de section
Chef de pièce
Munitions
Chef de pièce
Munitions
Chef de pièce
Chef de pièce
Observateur
Service Auto
Service Mitrailleuses
Service Auto
Lieutenant
Sous-Lieutenant
PIERSON Jean
LAPREVOTTE Robert
Lieutenant de tir
Observateur avancé
Adjudant-Chef
Adjudant
Maréchal des logis-Chef
Maréchal des logis-Chef
Maréchal des logis-Chef
Maréchal des logis-Chef
Maréchal des logis-Chef
Maréchal des logis
Maréchal des logis
Maréchal des logis
Maréchal des logis
Maréchal des logis
Maréchal des logis
Maréchal des logis
MORILLON Raymond
ROLLANDO Alexis
ALLIAGA Pierre
DARNAUDGUILHEM Jean
GENAUD André
LESCURE Lucien
SAGE Louis
BRAULT René
DAVID Charles
FERRARY Roger
GRENOT Jean
LESCAUDRON Marcel
TRUCHI Honore
BENEJEAN Joseph
Chef des tracteurs
Chef comptable
Chef de pièce
Munitionnaire
Chef de section
Fourrier
Chef de pièce
Mécanicien auto
Chef de pièce
Chef de pièce
Observateur
Observateur
Mitrailleuse
Lieutenant
Lieutenant
Sous-Lieutenant
LACOSTE Jean
TALAZAC Jean
JOURNET René
Lieutenant de tir
Observateur avancé
?
Adjudant
Adjudant
Maréchal des logis
Maréchal des logis
Maréchal des logis
Maréchal des logis
Maréchal des logis
Maréchal des logis
Maréchal des logis
Maréchal des logis
Maréchal des logis
TOURNIER Emile
MERGER Mauric
ALBERT Georges
BARGET Pierre
LE GUILLOU Laurent
PLESSIS André
ROBINE Louis
TABARY Jean
VERIE Jean
PINARD André
DARTOIS Georges
Chef des avants-trains
Chef de section
Mécanicien artillerie
Observateur
Chef de pièce
Chef de pièce
Fourrier
Sous-officier radio
Chef de pièce
Chef comptable
Chef de pièce
Capitaine
TABURET Louis
OLIVIER Lucien
LETESTU Louis
BOURDAIN René
Médecin du Groupe
Officier mécanicien
Officier des Détails
Officier d'Approvisionnement
Adjudant-Chef
Adjudant-Chef
Adjudant
Adjudant
Adjudant
Maréchal des logis-Chef
Maréchal des logis-Chef
Maréchal des logis
Maréchal des logis
Maréchal des logis
Maréchal des logis
Maréchal des logis
LE QUERLER
GOMIS
MAGIOLLO
ALAIN
LE PIRONNEC
LE COROLLER
BOUCHE
MAILLARD
HALTER
ZINCK
PIERRON
BOILLOT
Secrétaire aux Détails
Adjudant de Batterie
Service Approvisionnement
Service Habillement
Chef comptable
Vaguemestre
Mécanicien dépanneur
Échelon de combat
Service Approvisionnement
Service Essence
Mécanicien dépanneur
Fourrier
✞
SONT MORTS POUR LA PATRIE
Capitaine
Maréchal des Logis
Maréchal des Logis
Brigadier-Chef
2ème Canonnier
2ème Canonnier
2eme Canonnier
2ème Canonnier
2ème Canonnier
2ème Canonnier
2ème Canonnier
2ème Cannonier
2ème Canonnier
2ème Canonnier
P I G N A L
M O T I L L O N
D E M E R S O N
R I T O I T
B E R N E L A S
T H E U R E A U X
A B O U K I R
B A R B I E R
B O N Y
B O U Q U E M E U R
B O Y E R
G R A V I E R
J A C Q U E S
J A N A C
L E V Y
V A G N l E R
V A U T H I E R
Régis
Georges
Raymond
André
André
Julien
Yvon
Jacques
Georges
Gilbert
Roger
Adrien
Pierre
Antoine
Raoul
René
Michel